La sortie de l’AVG du 3 juin 2012 dans le Pays d’Olonne, organisée par Jean-Luc et Monique Narcy avec la collaboration de Hendrik Vreken, Camille Joly, Christian Raffin et Jean Chauvet , comprenait 3 thèmes :
Thème 1 : Métamorphisme et Tectonique sur les sites de Sauveterre et de l’Anse de Chaillé.
Thème 2 : Paléo-palynologie et botanique sur le site du marais des Bourbes.
Thème 3 : Les marais salants de l’île d’Olonne.
Thème 1 : L’estran de Sauveterre – Les Pierres noires (site 2)
Sédimentologie et minéralogie
En allant du Nord vers le Sud, on peut rencontrer les formations suivantes : (voir plan détaillé de l’estran ci-dessous).
Document 2 : plan détaillé de l’estran de Sauveterre (d’après Mireille TERS)
Les lettres A à Z font appel au texte ci-après.
A. Schistes satinés gris-vert, en lits millimétriques alternativement plus quartzeux ou plus micacés. Des niveaux purement micacés (muscovite), épais de quelques millimètres, y sont intercalés. Ils sont boudinés et forment soit des lentilles de 1 à 2 m de longueur, soit des nodules de 5 à 6 cm égrenés en chapelet dans le plan de la foliation. La roche est criblée de petits grenats spessartine (2 à 7 mm), disséminés ou groupés.
Photo 1a : schistes à grenat spessartine
B. Grès schisteux, rouges ou jaunes, ferrugineux et micaschistes à muscovite ; on y observe des petits porphyroblastes de biotite de 1 mm. Ils comprennent une intercalation de 8 m de long et de 4 m de puissance, qui contient une dizaine de lits de cinérite bleutée ou violacée et boudinée en chapelets.
Photo 2 : grès schisteux
C. Micaschistes à muscovite, gris perle, à porphyroblastes de biotite de 2 à 5 mm inégalement répartis. Ils comprennent des niveaux gréseux et une lentille de cinérite d’une longueur de 20 m.
Photo 3 : porphyroblastes de biotite dans le micaschiste
L’isograde Biotite + a donc été franchi sur le terrain selon la réaction :
muscovite + chlorite + ilménite → biotite + TiO2 ± feldspath K
On est entré dans la mésozone (faciès amphibolite).
D. Grès micacés à biotite fine, incluant quatre lentilles de cinérite, en petits boudins de 10 à 30 cm de longueur.
E. Micaschistes à muscovite brillants, avec de nombreux porphyroblastes de biotite.
F. Schistes graphiteux, épais de 8 m,à biotite fine. La matrice de ces schistes est constituée de quartz chargé de matière organique. Les biotites sont nettement brunes, facilitant leur reconnaissance au microscope par leur pléochroïsme direct.
G-H-I. Micaschistes gris-clair à porphyroblastes de biotite, grenat almandin-spessartine, staurotide et chlorite primaire. Ces minéraux index sont accompagnés de quartz, muscovite, rutile et ilménite. Ce sont ces micaschistes qui livrent le dernier assemblage minéralogique index sur la coupe des Sables d’Olonne à Sauveterre, pour les roches pélitiques : il est à biotite – staurotide – chlorite ± grenat (Fe,Mn,Mg). La biotite clairement anté-S2 est le plus ancien de ces minéraux. La chlorite est contemporaine de la foliation majeure, finement orientée, parallèle à S2. La staurotide a le caractère le plus tardif par rapport à S2.
Micaschistes gris-clair à porphyroblastes de biotite, grenat almandin-spessartine
L’isograde Staurotide + a été franchi.
J. Schistes noirs. Dans les niveaux très « argileux » (très altérés) un assemblage rare à chlorite – staurotide (silicate d’alumine), sans biotite, a été observé. Ce silicate d’alumine n’a pas été déterminé à cause de la mauvaise qualité des échantillons récoltés et de la difficulté à en obtenir une bonne lame mince. Il pourrait s’agir de disthène ou d’andalousite. Quel qu’il soit , ce qu’il est important de noter est qu’à ce stade de la coupe, entre Sauveterre et les Sables d’ Olonne, ce silicate d’alumine n’est plus en équilibre avec la biotite, c’est-à-dire que l’on ne peut plus l’observer en contact direct avec la biotite.
K. Lentille de pyroxénite à diopside et épidote, imprégnée de tourmaline. La dimension de cette lentille est d’environ 10 m sur 4 m de large
Photo 4a : lentille de pyroxénite – vue d’ensemble
Photo 4b : lentille de pyroxénite – vue de détail montrant l’aspect « corné » de la roche.
L. Lentille de dolomie brune d’une dimension de 8 m sur 2 m .
M. Schistes gris.
N. Schistes en fines lamelles quartzo-micacées, identiques à P et à W.
O. Micaschistes gris fer, à petits porphyroblastes de biotite.
P. Schistes en fines lamelles quartzo-micacées, semblables à N et W, avec des nodules de tourmaline. Ces nodules noirs de 1 à 5 cm de longueur sont également nombreux au mur des marbres dolomitiques, en W. Ils sont effilés aux extrémités et pourvus de queues de quartz. Ces galets sont constitués de schorlite bleu-vert et de quartz. Les grenats almandin-spessartine peuvent être très nombreux. Avec la déformation majeure, ils ont donné naissance à des queues de cristallisations à quartz dans les ombres de pression.
Q. Schistes micacés à grenats.
R. Schistes gris fer pauvres en biotite.
T. Micaschistes à muscovite, à gros porphyroblastes de biotite et de chloritoïde et à petits cristaux automorphes de staurotide (+ quartz, ilménite et rutile). Le grenat almandin-spessartine est rare.
Photo 5 : micaschiste à porphyroblastes de grenat , de chloritoïde et de biotite
L’isograde Chloritoïde + a été franchi.
U. Micaschistes à porphyroblastes de biotite.
V. Bancs de dolomie de 20 m de puissance.
W. Micaschistes en fines lamelles quartzo-micacées, identiques à N et P, à nombreuses amandes de tourmalinite et porphyroblastes de biotite, de staurotide et de grenat almandin-spessartine.
Photo 6 : micaschiste à tourmaline, biotite et grenat
Photo 7 : amas de tourmalinite étirés en « boudins » et porphyroblastes de biotite
X-Y-Z. Micaschistes à deux micas, à porphyroblastes de biotite, de staurotide, de grenat almandin-spessartine et rares chloritoïdes. Ces micaschistes sont semblables à ceux qui sont décrits en T.
Bilan des observations sur l’estran de Sauveterre
L’estran présente donc un aspect complètement différent de celui de la falaise :
- Les roches de l’estran sont plus variées : pélites, grès, roches volcaniques basiques et acides, calcaires, etc.
- Elles sont toutes à plongement Nord comme celles de la falaise mais leur pendage est plus constant .
- La seule foliation qui y est observable correspond à la S2 . Il n’y a plus de trace de la S0-S1. Les charnières de plis ne sont plus visibles. La transposition de la S0-S1 dans la S2 est par conséquent totale quelque soit la compétence de la roche . On est au stade 8 du document 1 (voir Article sur la falaise de Sauveterre)
- Tous les niveaux pélitiques , car leur chimisme le permet , présentent des minéraux de métamorphisme caractéristiques de la mésozone (porphyroblastes de grenat ou de biotite ou de chloritoïde) qui n’était pas atteinte dans la falaise (épizone).
- La répartition de ces minéraux de métamorphisme attestent d’autre part d’un gradient prograde vers le Sud de type barrowien : 35 à 40°C / km (les isogrades biotite+ , staurotide+ et chloritoïde+ sont franchis sur l’estran même de Sauveterre ; les isogrades disthène+ et sillimanite+ le seront plus au Sud).
- Enfin, la plupart de ces minéraux sont étirés Est-Ouest (N110°) dans le plan de la S2.
Problème :
Comment peut-on alors expliquer les différences constatées entre la falaise et l’estran de Sauveterre ?
Explication :
Photo 8a : portion de l’estran de Sauveterre au niveau du débouché de la cale bétonnée(cliché Géoportail en vraies couleurs)
Photo 8b : portion de l’estran de Sauveterre au niveau du débouché de la cale bétonnée (cliché Géoportail en fausses couleurs)
On remarque sur la photo 8b, et comme l’avait constaté et représenté M. TERS sur le document 2 ci-dessus, que les affleurements de dolomie (V) situés en face du débouché de la cale dessinent une nette courbure vers le Sud quand ils abordent le sable de la plage.
En fait, cette courbure n’est ni plus ni moins qu’un crochon de faille mais à très grande échelle !
Falaise et estran de Sauveterre sont en effet séparés par une importante faille verticale, sub-méridienne, de direction N160°.
L’allure du crochon de faille dessiné par les dolomies permet de dire que le compartiment « estran » s’est déplacé vers le Nord et le compartiment « falaise » vers le Sud.
Le jeu de cette faille est donc dextre.
Schéma d’interprétation de la photo 8b
Légende :
Courbure de l’affleurement de dolomie Emplacement de la faille verticale et sub-méridienne à jeu dextre Déplacement relatif des compartiments « estran » à gauche et « falaise » à droite de part et d’autre de la faille
Remarque :
Cette faille de Sauveterre n’est en fait qu’une faille secondaire accompagnatrice de la faille principale des Sables d’Olonne.
Peut-on évaluer le rejet horizontal , le décrochement de cette faille ?
Consulter la carte géologique des Sables d’Olonne au 1/50 000ème
En longeant la côte vers le Sud, en direction des Sables d’Olonne, on constate que la formation de Sauveterre repose sur les orthogneiss des Sables d’Olonne (représentant le socle) au niveau de l’Anse de Chaillé où ces derniers sont d’ailleurs affectés par l’anatexie.
Pour retrouver ce même contact mais à l’Est de la faille des Sables d’Olonne, il faut aller jusqu’à la Pointe de Péruse, près du Lac de tanchet soit 3-4 km plus au Sud par rapport à l’Anse de Chaillé.
La valeur du décrochement cumulé est donc de l’ordre de 3- 4 km.
Conclusion :
Cela signifie donc que les roches qui affleurent aujourd’hui au niveau de la falaise de Sauveterre se trouvaient, avant le jeu de la faille, 3- 4 km au maximum au Nord de Sauveterre, c’est-à-dire légèrement au Sud du Havre de la Gachère où malheureusement, elles n’affleurent pas parce qu’elles sont cachées par la dune mais aussi effondrées en grabens et recouvertes de Lias !
Intérêt de l’étude de la falaise de Sauveterre
Les roches de la falaise de Sauveterre viennent par conséquent, si l’on peut dire, « combler un vide » entre la formation Cambrienne de Sauveterre et la formation du Wenlockien (Silurien inférieur) de Brétignolles-sur-Mer.
Les roches de la falaise de Sauveterre, de métamorphisme épizonal et normalement, originellement, plus septentrionales que celles de l’estran de Sauveterre représentent en fait le sommet de la formation métamorphique de Sauveterre, plus jeune (Odovicien inférieur ?) et moins métamorphique.
Peut-on évaluer l’ âge de la faille de Sauveterre ?
Cette faille coupe au Nord du Havre de la Gachère, près de Brétignolles-sur-mer, le massif rhyolitique de Saint-Martin-de-Brem qui a été daté de la fin du Carbonifère, très précisément du Stéphanien (~ 300 Ma).
Les failles de Sauveterre et des Sables d’Olonne sont donc post-stéphaniennes. Elles doivent être contemporaines de toutes les failles qui ont affecté le littoral vendéen lors du rifting du Golfe de Biscaye et qui l’ ont découpé entre Brétignolles-sur-Mer et Longeville en petits horsts et grabens disposés en touches de piano.
Synthèse des arrêts 1 et 2 de Sauveterre
Géologie de la falaise et de l’estran
Article de Hendrik Vreken