Sortie de l’AVG dans l’Anjou

 

De Juigné-sur-Loire à Doué-la-Fontaine

29 avril 2012    

Guide : Daniel Pouit , géologue , médiateur scientifique

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Arrêt n° 1  : les buttes ardoisières de Juigné-sur-Loire et de Saint-Jean-des-Mauvrets

 A la sortie de Juigné-sur-Loire puis de Saint Jean des Mauvrets, en allant en direction du golf, on découvre une zone forestière : le parc intercommunal des Garennes parsemée de buttes d’ardoises.

Cette zone est une ancienne carrière d’extraction d’ardoise à ciel ouvert et les buttes ne sont que les rebuts de l’exploitation ; en somme comme des terrils !

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L’ardoise du Parc de La Garenne, comme celle d’Angers-Trélazé est un schiste qui a été daté de l’Ordovicien moyen par ses nombreux Trilobites (Formation des « Schistes à Calymènes » ). Cette roche s’est formée à partir de vases déposées dans une mer ordovicienne.

 Echelle stratigraphique

 

               Arrêt n°2  : les marnes à Ostracées à la base de la butte de St Saturnin-sur- Loire

La petite route empruntée par le car longe un mur de pierres schisteuses. Lors de notre progression , sous le mur , la couleur de la roche change : de bleutée, elle devient blanche .Ce ne sont plus des schistes ardoisiers que l’on observe mais des marnes blanches , plus ou moins glauconieuses, très fossilifères , riches en Huîtres : Ostrea biauriculata, O. columba, O. flabellata et en Térébratules et Rhynchonelles.

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Ces marnes à huîtres ont été datées du Cénomanien supérieur (Crétacé supérieur) et les fossiles qu’elles renferment indiquent la présence d’une mer peu profonde.

Les huîtres ne sont pas en place. Elles sont disposées pêle-mêle, les valves presque toujours séparées. Ce n’est donc pas à un banc d’huîtres en place que l’on a affaire ici mais à une accumulation post-mortem de coquilles ; il s’agit d’une thanatocénose.

Ces strates marneuses, à peu près horizontales, reposent en discordance, soit directement, soit parfois par l’intermédiaire d’un horizon de sables glauconieux , sur les schistes ardoisiers Ordoviciens .

Bref historique :

Lors de l’orogenèse hercynienne, qui a permis la formation du Massif armoricain à la fin de l’ère Primaire, tous les terrains paléozoïques dont les schistes ardoisiers de l’Ordovicien moyen ont été plus ou moins plissés.

Ensuite le Massif Armoricain a été érodé, pénéplané pendant tout le Permo-Trias. 100 millions d’années plus tard, au Crétacé supérieur, la grande transgression cénomanienne vient recouvrir les schistes ardoisiers redressés et déposer ses sédiments marins. La sédimentation s’est réalisée dans un premier temps sur des plaines deltaïques, peu à peu envahies par la mer au Cénomanien moyen (sables glauconieux verts) puis dans des domaines infralittoraux (marnes à huîtres).

 Echelle stratigraphique

 

         Arrêt n°3 : les grès sénoniens puis à palmiers du Mont Rude (Saint Saturnin-sur-Loire)

 

1. Observations faites au pied de la Tour de l’observatoire

La Tour, haute de 23 m et large de 3 m, est surmontée d’un belvédère d’où l’on découvre par temps clair un horizon de 40 km et près de 80 clochers !

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Au pied de la tour, on peut observer un affleurement de grès (ancien sable) d’âge Sénonien (Crétacé supérieur). Il s’agit d’un grès roux à gros grains mal soudés entre eux qui s’effrite facilement pour donner du sable. On peut y voir des traces de stratification oblique.

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Sous les grès, à leur base, au même niveau que le parking, on observe également des blocs de conglomérat mais ils ne sont pas en place. 

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L’étage du Turonien (entre le Cénomanien et le Sénonien) est totalement absent.

2. Observations faites au pied de la façade de la Mairie de Saint Saturnin (ancien château du Mont Rude)  et dans le Parc 

 

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Au pied du mur de façade, on observe également un bloc de grès renfermant des empreintes fossiles de feuilles de Sabalites andegavensis (Palmier). Ce grès a été daté du Bartonien inférieur (Eocène) par la faune et la flore qu’il contient. Les analyses palynologiques ont montré également la présence de bambous, de plaqueminiers (Ebènes) … mais aussi du chêne et de graminées (Poacées). Tout indique un climat plutôt tropical à tempéré chaud. 

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Ce grès est donc à peu de chose près contemporain des grès de Noirmoutier (Bois de la Chaise) et donc du fleuve Ypresis. 

Il provient de la grésification, au Cuisien, des formations gréso-sableuses du Sénonien.

 Echelle stratigraphique

  

Bref historique :

A la fin du Crétacé supérieur, a eu lieu en effet une importante régression marine qui a exposé à l’air les sables Sénoniens et favorisé leur grésification. Le fait que l’on observe des racines de végétaux en place dans le grès (voir photos) montre que la silicification a eu lieu pendant ou après que les racines étaient en place dans le sable, les racines de végétaux ne pouvant traverser un grès compact et que c’est un phénomène rapide, à l’échelle de la durée de vie d’un végétal.

 Echelle stratigraphique

 

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                           Arrêt n°4 : la Fosse au Nord des Forges                             Visite de l’habitat troglodytique de Bernard Foyer dit Nanard !

   

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Cette habitation troglodytique est construite dans le tuffeau du Turonien moyen (craie micacée).

Le mot « tuffeau » vient du grec : « tophos » qui désigne une pierre friable.

Le tuffeau est une variété de calcaire crayeux, blanchâtre, tendre et poreux, renfermant de nombreux éléments détritiques (micas, quartz) mais surtout des tests de Coccolithophoridés (algues brunes unicellulaires à coquille constituée de plaques calcaires ou coccolites).

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Les avantages d’une maison troglodytique selon Bernard Foyer :

  • La température intérieure : sans chauffage, autour de 8° l’hiver ; autour de 20° l’été.

Donc un peu de chauffage est nécessaire en hiver mais moins que dans les maisons classiques et surtout il y a la possibilité d’aérer totalement dès les beaux jours ! On n’est pas des taupes !

  • C’est aussi le seul endroit où l’on peut manger les Pissenlits par la racine  »  dixit Nanard !

 

  Arrêt n°5 : les Perrières de Doué- la- Fontaine

  1. Pique-nique dans la carrière

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2. Observations faites dans la carrière de falun : lamines , stratification oblique

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Le front de taille présente une superposition de différents bancs avec un assemblage complexe de lamines inclinées et de lamines horizontales.    

On observe dans le banc 4 des feuillets, des lamines inclinées, pentées vers le bas quand on se déplace de la droite vers la gauche de la photo. On parle de stratification oblique.

Ces feuillets sont tronqués assez brusquement vers le haut par les lamines horizontales du banc 5 ; en revanche, vers le bas, elles ont tendance à devenir tangentielles aux lamines du banc 3, à devenir parallèles à elles.

Ces observations sont également valables pour le banc 6 .

Interprétation du géologue

Les bancs 4 et 6 étaient, au moment de leur formation, des rides ou des dunes sous-aquatiques. Le courant qui a déposé les lamines de ces bancs se déplaçait de la droite vers la gauche de la photo.

Explication de la  formation des lamines et des différents bancs à l’aide de schémas 

Considérons un courant plus ou moins fort se déplaçant de la gauche vers la droite :2012.05.05.AVG sortie faluns.HV Image 38 

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d’après CHAMLEY Hervé – « Sédimentologie » – Editions Dunod

Le courant qui se déplace de la gauche vers la droite sur le schéma ci-dessus érode le versant amont de la ride ; les grains de sable sont entraînés par roulement vers la crête de la ride puis ils se déposent sur le versant aval .

Sur le versant aval, dès que la pente dépasse le profil d’équilibre, une petite avalanche se produit et une lamine est créée.

La ride se déplace ainsi progressivement dans le sens du courant, son flanc amont toujours faiblement penté puisque soumis à l’érosion par le courant et son flanc aval où sédimente le sable, toujours davantage incliné, proche du profil d’équilibre.

La ride peut aussi prendre davantage d’importance si le courant l’approvisionne en sable par apposition de nouvelles lamines ; peuvent alors se former des vagues de sable ou des mégarides..

Considérons un banc avec une base et un sommet horizontaux.

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Suivant le même phénomène, un second banc peut se former au-dessus, avec toujours des lamines orientées de la même façon, tronquées au toit du banc, incurvées en son milieu jusqu’à devenir tangentielles à son mur.

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Supposons maintenant un changement de direction du courant . Un troisième banc va se déposer à lamines orientées dans le sens opposé.

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Ainsi, en examinant la forme, la disposition des lamines, le géologue peut orienter un banc : localiser le haut ou toit et le bas ou mur.

Dans la carrière des Perrières, les bancs 4 et 6 montrent des lamines orientées comme celles du dernier banc sur le schéma ci-dessus. Le courant se déplaçait donc bien de la droite vers la gauche.

En revanche (voir photos ci-dessous), le banc 1 présente très nettement des lamines orientées dans le sens opposé, preuve que le courant s’est parfois totalement inversé. 

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Lamines du banc 1 orientées dans le sens inverse (de la gauche vers la droite quand on va du haut vers le bas) de celles des bancs 4 et 6 

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               Lamines du banc 1 et figures en « épi » ou en  « arête de poisson »                 La « colonne vertébrale » est le moment pile-poil de changement de direction du courant.

Quelle est alors la signification des bancs 3 et 5 à stratification bien horizontale ?

Les bancs à stratification plane constitués de lamines pratiquement horizontales de quelques mm à 2 cm d’épaisseur ou faiblement inclinées en raison de l’existence d’une paléopente douce indiquent une augmentation de la vitesse du courant qui écrête les rides ; les grains sont entraînés en abondance en une couche continue à la surface du fond.

L’étude détaillée du front de la carrière de falun permet ainsi de reconstituer l’hydrologie de la mer miocène, hydrologie certainement très complexe du fait des variations de sa profondeur, du climat de type tropical humide favorable à des « tempêtes » et encore plus complexe si l’on ajoute les apports en eau et en sédiments des fleuves à débit saisonnier qui devaient s’y jeter.

 

3. Visite des cathédrales troglodytiques

Les carrières souterraines des Perrières, à Doué-la-Fontaine, furent ouvertes entre le XVII et le  XIXème siècle pour l’exploitation du falun. Elles comprennent 50 salles souterraines hautes de 15 à 20 m à l’allure de cathédrales troglodytiques. 

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Mode d’exploitation

Les « pierreyeurs » ou « perreyeux » faisaient une saignée rectiligne en surface, une tranchée de 1 m de profondeur environ puis taillaient des blocs de falun. Ils descendaient progressivement en ménageant une voûte en ogive permettant d’extraire plus de blocs tout en assurant la solidité du toit et donc du champ au-dessus : carrier et cultivateur !

Lorsque cette partie du sous-sol avait été suffisamment exploitée (atteinte du niveau de la nappe phréatique), ils refermaient la tranchée à l’aide de blocs de falun disposés à la façon d’une clé de voûte et apportaient le mètre de terre arable nécessaire à la reconstitution du champ. Une autre partie du champ était alors exploitée de la même manière.

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La longueur d’une chambre correspond à 40 pierres de la clé de voûte. Plusieurs chambres adjacentes sont ainsi creusées ; elles sont séparées par des cloisons qui représentent de véritables murs mitoyens sous terre.

La chambre mitoyenne qui avait été exploitée  pouvait servir de poubelle ! On y jetait les rebus !

Produits extraits

On y a extrait des sarcophages au « pierrochet », des blocs de taille variable (« douelle » de l’épaisseur d’une cloison, « parpaing » plus gros de l’épaisseur d’un mur). Le quantité de blocs extraits dans une salle pouvait atteindre 8000 pièces.

Des champignonnières

Les cloisons séparant les chambres ont été plus tard abattues pour le besoin des champignonnistes. En témoignent des chaudières destinées à remonter la température à 17°C et sur les parois, la présence de traces vertes de sulfate de cuivre, substance empêchant le développement des parasites sur le compost.

La nécessité de chauffer pour maintenir une température favorable au champignon entraînait un coût d’exploitation important  vu la dimension des salles.

Après le choc pétrolier de 1974, la culture du champignon est transférée dans la région de Saumur. La craie Tuffeau du Saumurois est plus stable en température.

 

  Arrêt n°6 : fouilles libres dans les faluns de Doué- la- Fontaine

 

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On a coutume de distinguer deux faciès dans les faluns :

le faciès savignéen (de Savigné-sur-Lathan, en Indre-et-Loire). Ce sont des calcaires gréseux ou des boues calcaires, riches en Bryozoaires, correspondant à une sédimentation en pleine mer, dans une eau assez profonde (autour de 50 m).

– le faciès pontilévien (de Pontlevoy, en Loir-et-Cher). Ce sont des sables riches en débris coquilliers, mêlés de grains de quartz et de galets. La sédimentation s’est faite en zone littorale, entre 0 et 40 m de profondeur.

Des faciès intermédiaires existent.

Les faluns de Doué-la-Fontaine se sont déposés au Miocène inférieur, lors de la deuxième transgression de la « Mer des Faluns » (qui en a compté 3), au Langhien, il y a environ 16,5 – 15 millions d’années.

Les restes fossiles de Vertébrés marins et terrestres ont permis de reconstituer le climat de l’époque : climat chaud de type tropical.

Mais les restes de végétaux à Bruyères, Chênes, Bouleaux, Aulnes et Ormes entre autres indiquent plutôt un climat tempéré chaud.

Jean Chauvet et Vreken Hendrik