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Découverte des plus anciens embryons de reptiles fossiles

 

Des embryons  de Mésosaures fossiles de 280 millions d’années

 Techno-Science.net – 4 avril 2012

Datant d’environ 280 millions d’années, les plus anciens embryons fossiles de reptiles ont été mis au jour en Uruguay et au Brésil. Ils appartiennent au groupe des mésosaures, reptiles aquatiques anciens. L’étude de ces fossiles particulièrement bien conservés suggère que les mésosaures étaient vivipares (1) (repoussant de 60 millions d’années ce mode de reproduction) sinon qu’ils pondaient des oeufs à des stades avancés de développement. Publiés dans la revue Historical Biology, ces résultats sont révélés par une équipe internationale impliquant Michel Laurin, directeur de recherche CNRS au Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CNRS/Museum national d’histoire naturelle/UPMC).

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Embryon fossile de Mésosaure du Permien inférieur dans un oeuf  issu de la formation de Mangrullo en Uruguay.

 Photo du spécimen de gauche et dessin d’interprétation à droite  © Graciela Piñeiro (à gauche) et Inés Castiglioni (à droite)

Si les plus anciens amniotes (2) fossiles adultes connus à ce jour datent d’environ 315 millions d’années, les paléontologues disposent de très peu de collections d’oeufs et d’embryons fossiles. Grâce à la découverte d’embryons fossiles de mésosaures, reptiles aquatiques anciens, datant d’environ 280 millions d’années, une équipe internationale impliquant Michel Laurin, du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CNRS/Museum national d’histoire naturelle/UPMC), livrent de nouvelles informations sur le mode de reproduction de ces animaux.

Au Brésil, l’équipe de paléontologues a mis au jour un spécimen fossile en gestation. Celui-ci révèle que les mésosaures qui peuplaient ce territoire retenaient les embryons dans l’utérus pendant la plus grande partie du développement embryonnaire. Ces reptiles étaient donc probablement vivipares (1).

De plus, en Uruguay, les mêmes chercheurs ont exhumé 26 spécimens de mésosaures adultes, tous associés à des embryons ou à de très jeunes individus, et datant de la même époque que le fossile brésilien. Ces spécimens, plus ou moins désarticulés, sont difficiles à interpréter mais il s’agit probablement, pour la plupart, d’embryons dans l’utérus, étayant la thèse de la viviparité chez les mésosaures. Les plus grands d’entre eux pourraient représenter de jeunes animaux dont s’occupait au moins un des deux parents, laissant supposer l’existence de soins parentaux. Cependant, un oeuf isolé de mésosaure (voir la photo ci-dessous) a également été mis au jour sur ce site uruguayen. Cette découverte nuance la thèse de la viviparité (qui, en principe, exclut la ponte d’oeuf). Elle suggère que les mésosaures d’Uruguay pondaient des oeufs à un stade avancé de développement qui devaient éclore peu après (quelques minutes à quelques jours plus tard).

Ces recherches révèlent donc les plus anciens fossiles d’embryons amniotiques au Paléozoïque (-543 à -250 millions d’années) et les premiers exemples connus de rétention d’embryons (et peut-être de viviparité), repoussant de 60 millions d’années ce mode de reproduction. Les particularités reproductrices des mésosaures révélées dans cette étude reflètent-elles leur mode de vie aquatique (la viviparité étant fréquente chez les reptiles aquatiques) ou plutôt une condition assez répandue chez les premiers reptiles ?

 
 
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Reconstitution de l’embryon de mésosaure du Permien inférieur issu de la formation de Mangrullo en Uruguay dans un oeuf.
© Gustavo Lecuona
 
 
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   Embryon et adulte mésosaure, juxtaposés pour la reconstitution et la photo (pas trouvés en association) montrant la taille de l’embryon par rapport à celle de l’adulte.
© Graciela Piñeiro
Notes : (1) Animaux qui gardent l’embryon à l’intérieur et donnent naissance à leurs petits. (2) Les amniotes sont des vertébrés dont l’embryon est entouré d’une membrane appelée amnios ; ils incluent les mammifères et les reptiles.  
Référence
 
Graciela Piñeiro, Jorge Ferigolo, Melitta Meneghel & Michel Laurin (2012) : « The oldest known amniotic embryos suggest viviparity in mesosaurs » , Historical Biology : An International Journal of Paleobiology, DOI:10.1080/08912963.2012.66223

Tissint, la météorite martienne qui fascine

  

Tissint, la météorite martienne qui fascine

Auteur : Vahé Ter Minassian

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   Ces débris de météorite ont été découverts, en octobre 2011, non loin de la ville de Tata, dans le Sud du Sahara marocain. | AFP/Carl B. Agee

 

Qui donc révélera les secrets de la météorite martienne de Tissint ?

Depuis que ses débris ont été découverts, en octobre 2011, non loin de la ville de Tata, dans le Sud du Sahara marocain, la compétition est ouverte dans le petit monde des spécialistes des objets célestes. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en France et ailleurs, des équipes travaillent d’arrache-pied pour analyser le plus rapidement possible les échantillons qu’elles ont réussi à soustraire à l’appétit des collectionneurs privés. Avec un espoir : être les premiers à publier des résultats sur ce corps rocheux exceptionnel, dont des nomades avaient observé la chute dans la nuit du 18 juillet.

L’enthousiasme suscité à travers le monde par l’apparition de ces 7 à 10 kilos de débris noirâtres s’explique par la rareté de l’objet dont ils furent issus. Sur les 41 000 météorites trouvées sur Terre et connues de la science, 61 à peine sont, en effet, d’origine martienne. Et sur ce total, cinq seulement, en comptant Tissint, ont été récupérées juste après qu’elles sont tombées. La première, en 1815 à Chassigny en France, la dernière, en 1962 à Zagami au Niger !

Un matériau encore « frais »

Ces chutes intéressent au plus haut point les scientifiques. En procédant à l’analyse des pierres dès qu’elles ont été trouvées, les chercheurs peuvent, en effet, espérer travailler sur un matériau « frais », non encore contaminé ou érodé par un séjour terrestre. Et ainsi, si ce n’est y découvrir d’éventuelles traces de vie martienne, du moins répondre, mieux que ne peuvent faire les missions spatiales, à des questions sur l’histoire de l’atmosphère de la Planète rouge, et celle de son magnétisme et de sa géologie. Autre possibilité : étudier les conditions dans lesquelles ces objets ont été éjectés de Mars à la suite de l’impact d’une grosse météorite, puis ont voyagé dans l’espace.

Avec de tels enjeux, on comprend mieux pourquoi les débris de Tissint ont fait l’objet d’une course à l’achat entre les collectionneurs et les laboratoires. Car signe, peut-être, d’une mondialisation qui a étendu ses tentacules jusqu’aux recoins les plus reculés de la planète, « sur place, dans le désert, il ne reste plus rien d’apparent, sauf des poussières », constate Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, professeur de l’université Hassan-II de Casablanca et unique scientifique à s’être rendue sur le lieu de l’impact. Bien que des témoins aient entendu la double explosion produite par la fracturation du bolide, lors de son entrée dans l’atmosphère, puis aient vu une lueur jaune-verdâtre éclairer le ciel, le lieu où le corps céleste s’est écrasé n’a pas été connu immédiatement.

Entre 500 et 1000 euros le gramme

C’est trois mois plus tard, après d’importantes recherches, que celui-ci a été localisé par des nomades, puis par des groupes spécialisés dans la « chasse » aux météorites, une activité commerciale bien organisée au Maroc. Dès lors, la zone a été ratissée et la plupart des échantillons de cette « achondrite de type shergottite » (en référence à Shergotty, une météorite martienne dont la chute a été observée en Inde ont très vite rejoint, dans la discrétion, des circuits de vente où ils se négocient aujourd’hui entre 500 et 1 000 euros le gramme.

Bien trop cher pour la majorité des institutions publiques, dont certaines ne disposent pas de budget pour effectuer ce genre de transaction et qui ont dû y renoncer. Si le Muséum d’histoire naturelle de Londres a annoncé, le 8 février, s’être vu offrir une pierre de 1,1 kg (qui ne serait pas la plus grosse en circulation), celui de Paris, pourtant doté d’une des plus belles collections du monde, n’a pas encore trouvé le mécène qui l’aiderait à acquérir une pierre d’un tel prix.

La météorite de Tissint est-elle perdue pour la science? Tant s’en faut ! Grâce aux contacts dont ils disposent, la plupart des grands laboratoires du monde ont, en effet, déjà récupéré des échantillons. Aux Etats-Unis, les universités du Nouveau-Mexique puis d’Arizona ont annoncé les premières avoir réussi. Et, en France, le chasseur de météorites Luc Labenne a donné, dès décembre 2011, un petit fragment au Muséum d’histoire naturelle de Paris.Ce spécimen ne pèse que 1,8 gramme mais il nous a permis de commencer, très tôt, les analyses, note Brigitte Zanda, la directrice de la collection de météorites du Muséum.

Trois millions d’années dans l’espace ?

Plusieurs laboratoires français sont ainsi mobilisés. Au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Bernard Marty tente de retrouver dans des inclusions vitreuses formées lors de l’éjection de la météorite hors de Mars la trace des isotopes de l’atmosphère de la Planète rouge qui y ont été piégés. Au Centre de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement, à Marseille, Pierre Rochette étudie le magnétisme de la roche dans l’espoir de dater la disparition du champ magnétique de Mars, un phénomène qui serait responsable de la perte de son atmosphère.

Enfin, à l’Institut des sciences de la Terre de Paris et à l’université de Bretagne occidentale, à Brest, Albert Jambon et Jean Alix Barrat, qui travaillent avec Hasnaa Chennaoui Aoudjehane, s’intéressent à la géochimie, à la pétrologie et à la minéralogie de la pierre céleste. Ils y recherchent des « isotopes cosmogéniques de courte période » qui pourraient les renseigner sur le temps – de l’ordre de trois millions d’années – que la météorite a passé dans l’espace.

Les chercheurs français atteindront-ils leur but avant leurs confrères d’autres pays ? Réponse à Houston, en mars, lors de la Lunar and Planetary Space Conference, ou au plus tard en août à Cairns (Australie), au cours de la réunion de la Meteoritical Society.

Vahé Ter Minassian