Les gorges du Cians et de Daluis
Jean et Catherine CHAUVET
Vue des Gorges du Cians
Vue des Gorges de Daluis
Au Nord-Ouest du département des Alpes-Maritimes, le Var et son affluent le Cians, ont taillé des gorges profondes et abruptes dans les massifs de pélites rouges permiennes du dôme de Barrot .Ces gorges spectaculaires par leur morphologie et leur couleur confèrent à cette région l’appellation de « Colorado niçois ».
Localisation
Les gorges du Cians
Le Cians prend sa source dans le parc national du Mercantour , au pied du mont Mounier (2817m).Pour rejoindre le Var, il a taillé, dans des pélites rouges permiennes et des calcaires secondaires, des gorges abruptes. En 25 km d’un parcours acrobatique, il descend de 1600 m. Sa force érosive importante est décuplée lors des crues consécutives à la fonte des neiges.
Les gorges supérieures du Cians, de Beuil vers Pra-d’Astier présentent des versants abrupts, déchiquetés bizarrement ou avec de grandes surfaces lisses. La route sinueuse, tantôt borde, tantôt domine de très haut le lit du Cians qui descend par paliers successifs. Les passages les plus beaux sont la « Petite clue* » et la « Grande clue » que l’on découvre à pied en toute tranquillité, en dehors de la route principale. Au plus étroit des gorges, les deux parois opposées ne sont qu’à 1 m l’une de l’autre.
*Clue ou cluse : Coupure étroite et encaissée creusée perpendiculairement à une chaîne de montagnes.
Gorges taillées par le Cians dans les pélites rouges
Le torrent du Cians circulant entre les blocs de pélites rouges
Passage de la grande clue
Passage de la grande clue
Dans les gorges inférieures du Cians, la route épouse tous les contours du défilé sinueux creusé dans les pélites rouges permiennes surmontées des calcaires et marnes du secondaire.
Des massifs de pélites rouges en arrière-plan et des massifs marno-calcaires au premier plan
Le Cians à la sortie des gorges aux parois calcaires
Les gorges de Daluis*
Creusées par le Var dans les pélites rouges permiennes, les gorges du Daluis sont plus imposantes et plus évasées que les gorges du Cians.D’une profondeur saisissante ,formant des « canyons » de plus de 300m d’à-pic , elles nous livrent des décors sauvages grandioses.
* Daluis est un petit village perché dominé par les ruines d’un château, situé à la sortie des gorges.
Localisation des principaux sites…de l’amont vers l’aval…
Route sinueuse bordant les gorges de Daluis, en amont.
Le Var , au fond des gorges de Daluis
Le Pont de la mariée, site de saut à l’élastique, franchit audacieusement les gorges de Daluis.
Le Pont de la Mariée
Bancs de pélites rouges sculptés par l’érosion et Pont de la Mariée
Imposantes parois verticales de pélites aux découpes losangiques
La clue d’Amen, à la fois spectaculaire et esthétique , entaille le massif de pélites du Dôme de Barrot pour se jeter dans les eaux du Var.Elle nous offre une magnifique cascade visible de la route.
Rencontre des Gorges de Daluis et de la Clue d’Amen
… de plus près
Le Var et la cascade d’Amen
En aval des gorges, un bloc de pélites schisteuses rouges affecte la forme d’une tête de femme : c’est la « gardienne des gorges ».
Tête de femme sculptée par l’érosion dans les pelites schisteuses permiennes
Le Var, à la sortie des Gorges de Daluis, en aval
Non loin, le Pont de Berthéou marque la fin de la clue de Berthéou, site idéal pour l’initiation au canyoning.
Pont de Berthéou
Du pont de Berthéou, part un sentier d’interprétation des gorges du Daluis qui mène au Point sublime, magnifique site d’observation panoramique.
Le sentier du Point sublime
Dominant les gorges de Daluis, là où elles sont le plus étroites et le plus spectaculaires , ce sentier court sur le flanc du Dôme de Barrot. Une promenade facile nous fait découvrir plantes méditerranéennes, cigales , oiseaux, figures sédimentaires fossilisées , vestiges de voies romaines? jusqu’au Point Sublime .Ce belvédère nous offre un fabuleux point de vue sur les gorges de Daluis , les cimes et collines du haut-pays et moyen-pays.
Point de départ du sentier large et peu pentu
Pélites permiennes surmontées de roches calcaires triasiques
Paysage vu du sentier, vers le nord
Paysage vu du sentier, vers le Nord-Est
Paysage vu du sentier, vers l’Est
Arbre à perruques – Cotinus coccygeria
Grande cigale – Lyristes plébérus
Le Flambé – Ephiclides podalirius
Chardon bleu – Echinops ritro
Vers l’Est, crête du Cambon et cime du Cluot de la vieille
Marche « balisée » vers le Point sublime
Craquelures fossilisées de boue pélitique asséchée ( = mud-cracks) et rides de rivage fossilisées ( = ripples-marks )
Ripples-marks dans les pélites
Sur le sentier, on s’approche du point sublime
Le Point sublime
Vue du Point sublime, vers l’amont
Vue du Point sublime, sur le Var en aval
Vue du Point sublime, face à la Crête de Cambon, en direction du Dôme de Barrot
... en zoomant …
…de plus près encore, on distingue les entrées des anciennes mines de cuivre de Roua
Les Gorges de Daluis, au cours des siècles derniers, ont été exploitées pour leurs gisements de cuivre. En face du belvédère du point sublime, vers le sud-est sur la falaise, on peut apercevoir les entrées des anciennes mines de cuivre de Roua. Elles étaient très difficilement accessibles. Les mineurs de l’époque, essentiellement des paysans du canton, devaient, au péril de leur vie, descendre puis remonter avec des échelles et des cordages et travailler de longues journées dans des galeries humides et étroites (Ecomusée de la mine de Léouvé).
Informations complémentaires sur les mines de cuivre de Roua
Exploitées 2500 ans avant J.C. par les hommes préhistoriques, les mines de Roua ont fourni du cuivre natif riche en arsenic, ce qui lui conférait une plus grande dureté. La dernière tentative d’exploitation eut lieu en 1864 comme en témoigne le village abandonné d’Amen.
Situées sur les communes de Guillaume et de Daluis, face au point sublime, les mines de Roua offrent une grande diversité de minerais.
Outre les métaux à l’état natif (cuivre et, plus accessoirement, argent, or et fer) , une soixantaine d’espèces minérales y sont répertoriées, parmi lesquelles sept sont nouvelles pour la chimie (Gilmarite, Radovanite, Rollandite, Rouaite, Théoparacelsite, Tillmannsite, Wallkilldellite-Fe). Ces découvertes récentes soulignent l’intérêt exceptionnel de ces mines et assurent leur statut de haut-lieu de la minéralogie internationale.
Le dôme de Barrot
Situé au sud-ouest du massif cristallin de l’Argentera-Mercantour, le dôme de Barrot est un petit massif montagneux dans lequel les séries permiennes, bien développées, constituent un dôme anticlinal . Autour du dôme, les formations mésozoïques et cénozoïques sont déformées et plissées par l’orogenèse alpine.
Ces formations permiennes continentales se sont déposées dans un graben en distension, le bassin Argentera-Barrot. Le dôme de Barrot représente l’extrémité sud-ouest de ce bassin.
Les pélites rouges permiennes du Dôme de Barrot
Extrait de la carte géologique au 1/50 000 ( BRGM – InfoTerre)
Pélites rouges, plus ou moins stratifiées, sculptées par l’érosion
Des passées vertes dans le rouge traduisent divers états d’oxydation du fer
Pélites craquelées
Pélites litées au bord du Cians
Pélites schisteuses et plissées des gorges du Cians
Un résumé d’histoire géologique
A la fin du Paléozoïque ( Ere primaire ), il y a environ 250 millions d’années, suite à l’érosion d’un massif cristallin hercynien, aujourd’hui disparu, des sédiments argileux, quartz, paillettes de mica, minéraux riches en fer et cendres volcaniques se sont déposées sur le site du dôme de Barrot qui était alors une plaine inondable. Au fur et à mesure de leur accumulation, ces sédiments se sont enfoncés dans un bassin d’effondrement (un graben en distension, le bassin Argentera-Barrot) où la pression et la chaleur les ont transformés en roches appelés pélites.
Le climat chaud et humide de l’époque provoqua l’oxydation du fer qui colora les sédiments en rouge, en leur donnant une couleur lie-de-vin.
Au Mésozoïque (Ere secondaire), la mer s’installe sur cette couverture pélitique où se déposent de nouveaux sédiments provenant d’un massif situé dans l’actuelle Méditerranée. Après diagénèse, ces sédiments engendreront des calcaires, marnes grises et grès.
Au Cénozoïque (Ere tertiaire), le soulèvement des Alpes fit naître le Dôme de Barrot dont les pélites entaillées par l’action érosive du Var et du Cians sont aujourd’hui visibles sur plusieurs centaines de mètres dans les Gorges du Cians et de Daluis.
Jean et Catherine CHAUVET