Paysages et formes de vie complexes de plus de 2 milliards d’années au Gabon

 

Le Gabon à l’aube de la vie

« Pour La Science » – mars 2012

  

En juillet 2010, des recherches menées dans le bassin de Franceville, au Sud-Est du Gabon, dans la forêt équatoriale du bassin du Congo, ont livré des résultats déconcertants. L’équipe d’Abderrazak El Albani, de l’Université de Poitiers, a mis au jour de possibles organismes pluricellulaires eucaryotes (c’est-à-dire dont les cellules ont un noyau) – des métazoaires -, datant de plus de deux milliards d’années.

La signification biologique de ces nouveaux fossiles reste à trancher par les paléontologues. Mais il revient aux géologues de décrire les milieux où ces organismes se seraient développés. C’est le travail auquel nous nous sommes attelés à l’occasion de la nouvelle cartographie géologique du pays, conduite de 2005 à 2010 par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières, en France) pour l’État gabonais. Nous avons redécouvert les sous-sols de cette région équatoriale proche de la ville de Franceville,…

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L’essentiel

– Grâce au très bon état de préservation des couches sédimentaires du bassin de Franceville, au Sud-Est du Gabon, les géologues ont reconstitué le paysage tel qu’il était il y a deux milliards d’années.

– Différents types de milieux coexistaient : des platiers à stromatolithes (structures minérales édifiées par des colonies de cyanobactéries ), des lagunes salées, des mers intérieures bordées de volcans en activité…

– Une biodiversité importante s’y développait, avec des formes de vie intrigantes qui remettent en cause les hypothèses sur l’apparition des premiers organismes complexes.

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Organismes complexes de plus de 2 milliards d’années ( taille : 10 à 120 mm )

 

Les auteurs

– Pascal BOUTON, géologue et créateur de l’entreprise Oolite, est spécialisé en cartographie géologique et en sédimentologie.

– Alain PRÉAT est professeur à l’Université libre de Bruxelles où il dirige l’Unité de Sédimentologie et géodynamique des bassins.

– Denis THIÉBLEMONT, géologue et géochimiste au BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) à Orléans, a dirigé le projet de cartographie géologique du BRGM au Gabon.

– Michel EBANG OBIANG est ingénieur géologue à la Direction des mines et de la géologie du ministère des Mines du Gabon, à Libreville.

Remarque : Pascal Bouton est le réalisateur des fiches descriptives des sites géologiques vendéens, éditées par le Conseil général de la Vendée.

Jean Chauvet

Stromatolites d’Australie

 

Stromatolites marins et lacustres       

 Article de Claire König

 

Stromatolites d’Hamelin Pool

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Stromatolites dans la baie d’Hamelin Pool

Les stromatolites sont des structures organo-sédimentaires avec relief vertical au dessus du substrat produit par capture de sédiment et précipitation résultant de la croissance d’une communauté benthique constituée principalement de cyanobactéries.

NB : Certains restreignent l’usage du terme aux structures à lamination interne.

Les stromatolites de Hamelin Pool peuvent être considérés comme la population marine la plus diversifiée actuellement connue et leur développement est attribué aux conditions hypersalines de la baie qui limite la biodiversité. Cette biodiversité, alors inexistante, est aussi la raison de leur apogée lors des temps précambriens.

Chacune des trois sortes de stromatolites est caractérisée par un assemblage précis et une croissance sur une bande caractéristique le long du rivage.

La variété pustuleuse forme des colonnes de 1 m de large et de 10 cm de haut, construites par Eontophysalis major, que l’on pense être un descendant direct de Eontophysalis, cyanobactérie construisant des stromatolites au précambrien ! représentant ainsi le plus long lignage connu en biologie.

La variété lisse croît dans la partie inférieure de l’intertidal avec Microcoleus chthonoplastes, Schizothrix sp. etc.

La variété botryoïde (colloform) forme de larges colonnes (1 m de haut et plus) en milieu subtidal jusqu’à 4 m de profondeur. L’assemblage consiste en une flore de diatomées et différentes cyanobactéries. Il faut ajouter que l’on trouve souvent des macroalgues (Acetabularia) fixées sur ces formes.

La croissance des stromatolites est très lente :  0,3 mm /an, l’érosion compensant à peu près la formation. La lithification commence 1-2 cm sous le niveau de vie et la construction est orientée selon les vagues (élongation) et contre le vent (sud).

Mais il reste beaucoup à étudier et il n’y a pas d’autre région pour le faire.

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Hamelin Pool 

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Hamelin pool  – Vue d’ensemble sur les stromatolites

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Hamelin pool 

Stromatolites lacustres de lacs salés ou d’eau douce

Il existe aussi en Australie des stromatolites lacustres de lacs salés ou d’eau douce :

Lake Clifton : eau saumâtre – Lake Richmond : eau douce – Rottnest Island : lacs salés – Lake Thetis : lac salé 1,5 fois la salinité de la mer.

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Tethys Lake  – stromatolites

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Tethys Lake   – stromatolites

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Clifton Lake

Les plus anciens stromatolites  fossiles ont été trouvés au sud de Marble Bar dans le craton de Pilbara dans le groupe de Warrawoona vieux de 3,5 Ga.

Les stromatolites et la longueur du jour ? Comme les coraux, les stromatolites peuvent être utilisés pour mesurer le nombre de jours dans l’année mais dans des temps plus anciens. Il y a 850 Ma, il y avait 435 jours dans l’année de 20,1 heures ce qui correspond aux autres données indiquant un ralentissement de la rotation de la Terre dû aux frottements des marées.

 

Article de Claire König – membre de l’AVG

Photos de Christian König