Débâcle glaciaire et élévation du niveau marin

 

La grande débâcle glaciaire redatée

« Pour La Science » – Avril 2012 – François Savatier
 
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© CEREGE / Edouard Bard
L’analyse des coraux tahitiens depuis la dernière glaciation suggère qu’il y a environ 14 500 ans, une fonte massive des calottes glaciaires antarctiques a élevé le niveau des océans de 14 mètres en moins de 350 ans.
 

Cent trente mètres en moins de 15 000 ans : le niveau des mers est beaucoup remonté depuis le dernier maximum glaciaire. Petit à petit ou par sauts ? Après avoir foré à Tahiti, Pierre Deschamps et ses collègues du CEREGE (Université d’Aix-Marseille) et des Universités d’Oxford et de Tokyo ont établi une nouvelle courbe des variations du niveau marin depuis la dernière glaciation : elle confirme qu’une remontée catastrophique du niveau des océans a bien eu lieu il y a 14 500 ans.

Cet événement est noté MWP-1A (de l’anglais Melt Water Pulse). Pour le reconstituer, les chercheurs ont effectué 37 forages dans le récif de Tahiti. Les coraux tropicaux vivant à faible profondeur, ils constituent en effet d’excellents indicateurs de l’évolution au fil du temps du niveau de la surface de l’océan. P. Deschamps et ses collègues ont daté ces coraux en s’appuyant sur la transformation radioactive de l’uranium 234 en thorium 230, et montré qu’entre 14 650 et 14 400 ans, une gigantesque débâcle glaciaire s’est déclenchée, qui a fait monter le niveau des océans de 14 à 18 mètres en moins de 350 ans, soit au minimum 4 mètres par siècle !

Auparavant, deux scénarios concouraient pour placer le MWP-1A dans l’histoire du climat. Le premier découle d’une reconstitution des niveaux marins obtenue à partir des coraux de la Barbade, dans les Caraïbes. Ces données suggéraient d’une part que la débâcle s’était déclenchée plus de cinq siècles plus tard, il y a 14 000 ans ; d’autre part qu’elle était surtout due à la fonte des calottes de l’hémisphère Nord, et tout particulièrement de celle qui recouvrait le Nord de l’Amérique. Mais ce scénario a des faiblesses : les modèles géophysiques indiquent par exemple que la fonte de la calotte nord-américaine modifierait assez le champ gravitationnel terrestre pour que la montée des eaux soit inférieure de 40 pour cent à la Barbade. Or les forages de Tahiti montrent le contraire : la montée des eaux pendant le MWP-1A est comparable autour des deux îles. Cela renforce le second scénario, selon lequel les calottes antarctiques ont contribué au moins autant que la calotte nord-américaine à la débâcle du MWP-1A.

Or la nouvelle datation de cet événement à 14 650 ans le fait coïncider avec le Bølling, un épisode de réchauffement rapide de l’hémisphère Nord. En revanche, dans la reconstitution des niveaux marins successifs réalisée à la Barbade, le Bølling précède le déclenchement du MWP-1A. Si la nouvelle datation est la bonne, seule une réorganisation de la circulation thermohaline (dont le Gulf stream est un exemple) expliquerait le réchauffement dans l’hémisphère Nord, puis la fonte des calottes nordiques. Cette hypothèse ne sera cependant confirmée que le jour où les preuves géologiques de la contribution de l’Antarctique au MWP-1A auront été obtenues sur le continent blanc, ce qui n’est pas encore le cas.

Seule chose sûre : les calottes de glace ne réagissent pas de façon linéaire aux changement climatiques. La remontée du niveau marin n’est donc pas proportionnelle à l’élévation de la température moyenne à la surface de la Terre. L’histoire récrite du MWP-1A illustre au contraire l’existence de puissants effets de seuil. Alors que l’activité humaine fait grimper sensiblement la température moyenne de l’atmosphère, il faudrait donc se méfier de possibles débâcles à venir.

Visite de l’observatoire solaire Thémis , à Tenerife

 

Un téléscope héliographique pour l’étude  du magnétisme et des instabilités solaires

 Article de Pierre Gibaud

Au volcan du Teide à Tenerife, sur le bord Est de la Caldera à 2400 m d’altitude, on a installé 8 coupoles et 4 tours solaires gérées par différents pays.  

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THEMIS = Télescope Héliographique pour l’Etude du Magnétisme et des Instabilités Solaires. Cet observatoire a été construit par la France et l’Italie et il est géré avec l’Espagne.  

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 Dans le hall, des illustrations pour les touristes, non visiteurs de la partie scientifique.

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En 2008, sur rendez-vous, le directeur français va nous piloter dans toutes les installations. D’abord quelques explications sur le soleil, ses taches, son activité variable…

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Par l’escalier, nous montons vers la coupole. Par une fenêtre, on voit le pic du Teide. 

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Dans la coupole, il fait presque noir. Seulement un fin croissant de lumière aveuglante passe entre la coupole et l’extrémité du télescope.Le mouvement du télescope étant ultra précis, tandis que celui de la coupole est moins rigoureux en raison du vent, un petit espace est donc nécessaire entre les deux.

Une photo au flash montre le tube bleu du télescope : diamètre 90 cm longueur 8 m.  

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On s’habitue à l’obscurité et on observe la plate-forme fixe bien distincte de la partie centrale circulaire et mobile sur laquelle il est interdit de marcher pour éviter les vibrations. 

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Pour étudier chaque longueur d’onde spécifique, un « monochromateur » partage la lumière de façon convenable en « repliant » les rayons dans le tube du télescope.Un miroir orienté par un dispositif micrométrique, sélectionne ensuite la bonne couleur. 

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A la base du télescope, les capteurs couplés à l’électronique de mesure sont montés sur des tables 2D à mouvements micrométriques. 

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Nous redescendons dans les bureaux d’analyse et d’enregistrement des mesures. 

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Sur l’un des écrans on peut lire la date et l’heure du cliché  23-07-2008 et 12 h 11 mn 35 s. Mais on voit surtout les coordonnées du point de mesure et divers paramètres.  

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Sur la droite de l’écran suivant on voit des courbes symétriques. C’est l’action du magnétisme solaire sur les raies spectrales de sa lumière : elles sont dédoublées. 

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Explication : Contrairement à la lumière émise par incandescence qui a un spectre continu, la lumière émise par les atomes ne concerne pas toutes les fréquences mais seulement quelques unes. Le spectre comporte des raies colorées propres à chaque type d’atome.

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Mesure du magnétisme solaire. En 1896, le hollandais Zeeman a découvert qu’un champ magnétique intense dédouble les raies spectrales et l’écart est proportionnel à son intensité. Il suffit donc de mesurer l’écartement des raies dédoublées pour connaître la valeur du magnétisme du soleil (ou d’une étoile). Dans une tache solaire, le champ magnétique est 600 fois plus intense que le champ magnétique terrestre moyen. 

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Au centre du soleil, la fusion thermonucléaire de l’hydrogène produit de l’hélium et beaucoup d’énergie. La chaleur est finalement transmise par convection dans le « manteau » solaire.Mais à des milliers de degrés, la matière est ionisée. Cette matière électrisée en mouvement crée un champ magnétique selon les lois de la magnétohydrodynamique. La mesure du magnétisme renseigne donc sur l’activité du soleil aux multiples conséquences sur la Terre. 

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La variabilité de l’activité solaire contribue à la variabilité du climat terrestre. Déjà, en 1801, Herschel, l’astronome anglais découvreur d’Uranus, avait observé que lorsque les taches solaires étaient rares, la récolte de blé était insuffisante et le cours montait à la bourse aux grains de Londres !

Voici deux courbes montrant le parallélisme évident entre le nombre annuel moyen de taches solaires et l’évolution de la température moyenne terrestre.   

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Les rayons cosmiques découverts par Pierre Auger en 1932 sont mesurés continuellement depuis. La courbe suivante montre que lorsque le nombre de taches solaires augmente (magnétisme solaire plus intense), le flot des rayons cosmiques qui arrivent sur Terre est fortement diminué : le magnétisme solaire est un bouclier anti- rayons cosmiques.  

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Actuellement le magnétisme solaire est faible malgré quelques éruptions solaires (elles sont spectaculaires pour le journaliste mais banales pour l’astronome !). Le cycle n° 24 en cours, est arrivé tardivement en 2010  au lieu de 2008 et n’est pas très actif comme ce fut le cas lors des précédents épisodes de refroidissement terrestre. 

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Avant de nous quitter, le directeur nous a  dit : « le soleil est faiblard et je pense fortement qu’il va faire mentir le catastrophisme de Nicolas Hulot et ses amis ! »

Pour nous géologues, nous savons bien que les variations du climat terrestre ont plusieurs causes principales :les variations des paramètres astronomiques  et les aléas solaires,la variation de la concentration des gaz à effet de serre, l’effet albédo, le volcanisme. Le CO2 dégagé par l’homme est un facteur aggravant mais récent comparé à la variabilité des paléoclimats depuis des centaines de millions d’années.

Nous sortons sur la terrasse pour déambuler parmi d’autres installations.

Placé sur un local technique, voici un cadran solaire complexe qui illustre les compétences mathématiques des astronomes du site !   

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Nous redescendons vers la vallée par la route taillée dans les paysages volcaniques. 

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Pierre GIBAUD

Pour en savoir plus sur Themis :  http://www.canal-.tv/video/science_en_cours/le_telescope_solaire_themis.161