Sortie de l’AVG dans le Pays d’Olonne – Thème 3 : Les salines de l’île d’Olonne

 

La sortie de l’AVG du 3 juin 2012  dans le Pays d’Olonne, organisée par Jean-Luc et Monique Narcy avec la collaboration de Hendrik Vreken, Camille Joly, Christian Raffin et Jean Chauvet, comprenait 3 thèmes :

Thème 1 : Métamorphisme et Tectonique sur les sites de Sauveterre et de l’Anse de Chaillé. 

Thème 2 : Paléo-palynologie et botanique sur le site du marais des Bourbes.

Thème 3 : Les salines de l’île d’Olonne.

Carte géologique n°-copie-1

Thème 3 : Visite des salines de l’île d’Olonne

 Le sel gemme (NaCl), halite pour les géologues

Le sel gemme ou chlorure de sodium ou halite est une roche sédimentaire dont la  sédimentation est exclusivement chimique : la halite fait partie des évaporites.

La spécificité des évaporites tient en particulier à une propriétés majeure : la solubilité.

La solubilité est de 360 g/l pour le NaCl. Par comparaison, deux autres évaporites : le gypse (CaS04, 2H2O) et la sylvite (KCl), également en solution dans l’eau de mer, ont des solubilités de 3 g/l et 570 g/l.

La halite est une roche et pourtant son exploitation, lorsqu’elle se fait en marais salants, est réglementée par le ministère de l’agriculture !

La production du sel

Le sel est en fait produit selon trois méthodes principales : l’extraction à sec en mine souterraine à partir du sel ancien (sel de terre), l’évaporation des saumures par une source de chaleur (sel ignigène) et l’évaporation dans les marais salants (sel solaire) ce qui nous intéresse aujourd’hui !

La technique du marais salant, ici à l’Île d’Olonne … comme à Guérande, Ré, Oléron

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La technique du marais salant consiste à utiliser l’énergie du soleil et du vent pour évaporer et concentrer l’eau salée par évaporation fractionnée qui permet de récupérer le chlorure de sodium et d’évacuer les autres composants indésirables, comme les particules solides ou les minéraux moins solubles (carbonates et gypse) qui précipitent avant le sel.

Pour cela les salines sont organisées en un assemblage complexe de petits bassins peu profonds, appelés sur les marais de l’Île d’Olonne, « loires » et « métières », dans lesquels l’eau de mer pénètre depuis le Havre de la Gachère, ou bien les écluses de La Rocade et de la Bauduère (écluses ouvertes à marée haute au moment des « prises »), le mini-fleuve Vertonne, puis les « cordes » et « coursives ».

Au cours de son parcours de concentration dans les loires et métières, l’eau salée est progressivement délestée des composants les moins solubles, et les saumures finales « eaux mères » ne contiennent plus que du chlore et du sodium associés aux éléments  les plus solubles (magnésium, potassium et sulfates en excès). Les eaux mères sont conduites au long de talus, « tapes » et « contre-tapes » vers les tables salantes, « brassious » et « œillets » où le sel gemme peut précipiter, les autres éléments demeurant encore en solution. Le sel est alors extrait, fleur de sel flottant en surface, et gros sel tombant au fond. Les saumures résiduelles « eaux filles » chargées en éléments indésirables sont évacuées des tables salantes et rejetées vers les loires.

Loires, métières, tapes, brassious et aires salantes sont des espaces finement ciselés par le saunier en marches d’escalier à des niveaux différents de profondeurs croissantes et d’épaisseurs décroissantes. Les œillets n’offrent à l’évaporation qu’une tranche d’eau saumâtre de 2 ou 3 cm, à environ 0,50 cm en dessous de la cote des loires. La circulation se fait par gravité. Des vannes sont ouvertes ou fermées selon les besoins et le  savoir-faire du saunier.

Composition de l’eau de mer

 

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Cristallisation des minéraux évaporitiques

La cristallisation s’effectue donc par ordre de solubilité croissante. Ce qui est le moins soluble cristallise en 1er : gypse, puis halite et enfin, si l’on laissait faire, sels de potassium et de magnésium.

Claire Koenig, dans un article sur le site de Futura-Sciences, (cliquer ici), décrivant les marais de Guérande, mais qui s’applique bien entendu à notre site, déroule la séquence d’évaporation :

  • Les premiers sels qui se déposent sont le calcaire et la dolomie à partir d’une concentration en NaCl de 30g/litre.

  • Puis le sulfate de calcium sous forme hydratée : le gypse. La précipitation commence à une densité de 1,109 soit une concentration de 150 g de NaCl/litre : 80% de ce sel est cristallisé quand commence…  

  • la cristallisation du chlorure de sodium à d = 1, 216, soit une concentration de 350 g de NaCl/litre. Dans les marais salants, la précipitation est arrêtée volontairement quand la densité atteint, par exemple, 1,262. La saumure contient alors 40 g/l de magnésium.

Le sel qui cristallise au-delà est amer et l’évaporation devient trop lente. Les eaux sont donc évacuées. Pour produire 1 kg de sel, il faut environ 37 kg d’eau de mer dont 90% sont évaporés avant cristallisation, 7% pendant la cristallisation et 3% d’eaux mères sont rejetées.

Le soleil, le vent et le savoir-faire du saunier sont des facteurs importants. Il ne faut pas néanmoins  oublier l’aridité, ou la sécheresse de l’air qui est un facteur essentiel.

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Faciès cristallins

La figure ci-dessous illustre les principaux faciès cristallins de la halite et leur mode de formation.

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Les trémies cristallisent à la surface des saumures la pointe vers le bas et demeurent maintenues. Elles s’assemblent ensuite pour former des voiles délicats à la surface des saumures, « la fleur de sel ». Ces voiles fragmentés par l’agitation du milieu et alourdis par la précipitation d’autres cristaux d’halite, forment des radeaux qui s’enfoncent dans les saumures  et sédimentent sur le fond. Les plaquettes (trémies rectangulaires) ainsi qu’une partie des cubes à faces creuses (trémies cubiques) précipitent directement dans les saumures et s’accumulent sur le fond pour former « le gros sel ».

D’où vient le sel de la mer ? 

Les éléments de l’eau de mer ont une double origine : l’érosion des masses continentales et les apports du volcanisme océanique au cours de l’histoire de la Terre et notamment de sa période la plus ancienne.

Les salines de Guérande, de l’Île de Ré et de Noirmoutier ont-elles à craindre la concurrence de celles de l’Île d’Olonne ?

Pas forcément, encore qu’il y a beaucoup à dire sur la beauté du sel de l’Île d’Olonne. Le sel y est récolté beaucoup plus blanc que partout ailleurs. Un coup de main spécial sans doute…

 

Vues de haut et de loin, ou bien vues de très près, les marais de l’Île d’Olonne offrent un paysage et un visage éblouissants.

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Photo du haut : vue aérienne des marais de l’Île d’Olonne depuis un ULM – Cliché de Francis Leroy

En bas : composition de Jean-Luc Narcy : « Du sel et des étoiles » 

Sources

Les quelques mots ci-dessus sont pour une grande part extraits de l’ouvrage de Jean-Marie Rouchy et al. « Les Evaporites » , Société Géologique de France – Vuibert août 2006.

Les photographies aériennes depuis ULM sont l’oeuvre de Françis Leroy et sont visibles sur son site « imag.in.air » en cliquant ici. Les photos au sol ont été prises il y a longtemps, longtemps par Marcel Rabiller. Merci Marcel, merci Françis !

Maintenant, pour tout savoir sur le sel et les marais salants sans pour autant s’aventurer très loin, il convient de se référer à l’excellent article de notre collègue de l’AVG Claire Koenig dans Futura-Sciences (cliquer ici), ou au compte-rendu d’excursion en Presqu’île guérandaise du Congrès de l’A.P.B.G. de 1978, qu’il ne doit pas être si difficile que ça de se procurer…

            

Article de Jean-Luc Narcy

Sortie de l’AVG dans le Pays d’Olonne -Thème 2 : Les Bourbes de l’Allerie

 

La sortie de l’AVG du 3 juin 2012  dans le Pays d’Olonne, organisée par Jean-Luc et Monique Narcy avec la collaboration de Hendrik Vreken, Camille Joly, Christian Raffin et Jean Chauvet, comprenait 3 thèmes :

Thème 1 : Métamorphisme et Tectonique sur les sites de Sauveterre et de l’Anse de Chaillé.

Thème 2 : Paléo-palynologie et botanique sur le site du marais des Bourbes.

Thème 3 : Les marais salants de l’île d’Olonne.

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Thème 2 : Le Marais des Bourbes de l’Allerie (site 4) 

 

Le site

 

Il s’agit d’un marécage doux d’arrière dune, se développant dans une dépression d’environ 20 ha. Il prend place sur un socle calcaire du Jurassique au niveau d’une zone d’effondrement ou de broyage hypothétique. Il est alimenté par une arrivée régulière d’eau douce dont on ne connait pas l’origine : source ? Résurgence ? Accumulation des eaux de pluie arrêtées par la dune ?

Coupe marais des Bourbes

 

Coupe géologique théorique au niveau du marais des Bourbes

 

 

 

La végétation

 

L’intérêt botanique de ce marais repose sur une confrontation entre le milieu dunaire maritime qui l’entoure et le milieu aquatique d’eau douce qui le compose, avec parfois des mélanges entre une végétation typiquement dulcicole et des espèces maritimes.

Sa végétation peut être résumée en trois grands types de groupement écologique :

  • Cariçaie sous aulnaie-saulaie, aulnaie dominante (partie Sud et Ouest) ;

  • Typhaie ouverte bordée d’aulnes (Alnus glutinosa) et de saules (Salix atrocinerea) (partie centrale) ;

  • Symétrie des groupements avec de l’intérieur vers l’extérieur : cariçaie, cladiaie (Cladium mariscus, la marisque (roseau), rare en Vendée), phragmitaie et enfin l’aulnaie-saulaie (partie Nord et Est).

 

Il présente également un important peuplement de la fougère des marais Thelypteris palustris, et correspond à l’une des dernières stations de cette plante en Vendée.

 végétation marais des Bourbes

Symétrie des groupements écologiques dans le marais des Bourbes dans sa partie Nord.

 

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Evolution

 

Contexte archéologique et historique

 

L’évolution de la végétation du Marais des Bourbes a été reconstituée  grâce à la paléopalynologie. 

« La paléopalynologie ou l’étude des micro-restes végétaux fossiles, à savoir les grains de pollen et les spores conservés dans les couches du sous-sol, permet d’appréhender la chronologie d’évolution de la végétation et l’histoire du paysage en relation avec les facteurs climatiques, écologiques et anthropiques  » – Camille Jolly.

Il a été possible d’observer une alternance d’influences marines et dulçaquicoles mettant en évidence une succession de phases transgressives et régressives, démontrant bien le caractère oscillatoire de la transgression flandrienne. Le Marais des Bourbes est alternativement occupé par un marécage doux à massettes et carex environné d’une aulnaie clairsemée, et par des vasières et une zone humide saumâtre. Durant le bas Moyen-Âge, une importante phase d’ensablement correspondrait à la mise en place de l’édifice dunaire tel qu’il existe aujourd’hui. Le marais évolue ensuite en prairie tourbeuse, progressivement envahie par l’aulnaie et la saulaie.

Au cours de l’Âge du Bronze, le système forestier, à l’origine peu conséquent, subit d’importantes phases de défrichement, sans pour autant être accompagnées d’un développement des activités agro-pastorales.

Par contre, à l’Âge du Fer, l’éradication presque complète de la forêt est suivie par une mise en culture des terres autour du marais : céréales, Brassicacées probablement, châtaignier et noyer.

 

L’avancée de la ligne de rivage durant l’Empire romain n’est sûrement pas favorable à l’extension des pratiques agricoles autour des Bourbes, mais des éléments persistants indiquent une culture de céréales, de chanvre, de vigne, de noyer et de châtaignier. Probablement liée au recul de l’influence maritime, le Bas Empire voit une recrudescence des activités agricoles, mais de courte durée. En effet, l’oscillation négative modifie la circulation maritime, et donc commerciale, des marchandises. Ce changement de situation de la région, possiblement conjuguée aux crises de la fin de l’Empire, sont fatales à l’économie locale.

 

Au début du Moyen-Age, le système forestier est touché par de nombreuses phases de défrichements et laisse place à un parcellaire dense de type bocage, sans noter pour autant de développement de l’emprise humaine sur le territoire, qui régresse même légèrement. On note à la fin de la période médiévale une reprise des déboisements qui s’accompagne d’un essor des pratiques agricoles. Il semble néanmoins qu’avec la fondation du port des Sables d’Olonne en 1218, les activités se soient plus concentrées sur le commerce, la pêche et la production de sel que sur les cultures. On peut mettre en exergue celles des céréales, du chanvre (fibre textile : sac de sel et voile), de la vigne et du sarrasin par la suite (fin du Bas Moyen-Âge).

 

Les époques modernes sont d’abord marquées par une pression importante sur l’écosystème forestier, aboutissant à la formation d’un bocage lâche et qui s’accompagne, dans un premier temps, de l’essor du système prairial vraisemblablement lié au pastoralisme puis, dans un deuxième temps, de la progression de la céréaliculture et d’une diversification des espèces cultivées (sarrasin, chanvre, vigne, maraîchage).

 

Quant au Subactuel, cette période correspond à l’observation du développement d’une forêt de pins, plantée au XIXème siècle afin d’assurer la fixation de la dune formée au Moyen-Age, dune qui avançait à l’intérieur des terres. Autour des Bourbes, se pratiquent toujours les cultures de blé noir, de chanvre et de céréales ainsi que le maraîchage. À partir de la fin du XIXème siècle, l’économie régionale se concentrera plus sur les produits de la mer puis sur le tourisme, que sur la production agricole.

 

Le diagramme pollinique synthétique du Marais des Bourbes est présenté ci-dessous.

Un diagramme pollinique est une représentation graphique de l’abondance relative des différents grains de pollen et spores au cours du temps.

 

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Article de Camille Joly d’après sa thèse : « Histoire de la végétation dans l’espace centre-Ouest atlantique »

 

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