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Sous la plage, une forêt antique

 

Insolite ! Nos plages cachaient des forêts antiques

Ouest-France du Jeudi 27 mars 2014

 

Les tempêtes d’hiver, en ravinant  le sable, ont mis au jour des vestiges de forêts antiques, de bosquets, de tourbières. Un phénomène courant que nous explique l’ethnologue Jean-Yves Cocaign, assis ici sur un superbe reste de tronc, à la plage du Fourneau, à Granville.

En ravinant les plages, les tempêtes de l’hiver ont mis au jour des trésors : des vestiges de tourbières et des bosquets antiques.

Un phénomène courant pour les géologues, mais qui met des matières plusieurs fois millénaires à portée de regard. Exemple sur la plage du Fourneau, à Granville (Manche).

2013.03.27.OF Forêt  antique 2

C’est là, juste après le plein de la plage, au bord du banc de roches qui se dévoile à marée basse. Un sillon de racines agrippées dans les schistes noirs.

Des « racines », ici ? Oui, de près, c’est bien du bois… Quelques mètres plus loin, d’autres racines, mais comme momifiées dans la glaise. Sous l’œil qui s’aiguise, d’autres formes prennent tournure : des branches enchevêtrées, des souches. Et ces grosses plaques de terre brune, qui évoquent des sols de sous-bois…

C’est Pascal Lefèvre, un familier de la plage, qui m’a alertée: « II y a des trucs très étranges, comme des racines, des bois fossiles qui ont dû apparaître à cause des tempêtes. Je n’avais jamais vu ça ici. Je ne peux pas m’empêcher de penser à la forêt de Scissy… »

La forêt de Scissy ? Branle-bas de combat ! Aux yeux des riverains de la baie du Mont Saint-Michel, le mythe de la forêt de Scissy vaut celui de la ville d’Ys pour les Finistériens : un objet de fascination autant que de controverse. Spécialiste de la question, le responsable de l’Écomusée de la baie, l’ethnologue Jean-Yves Cocaign, le balaie de quelques mots : « Pour qu’une forêt ait pu pousser ici, il aurait fallu que la mer soit beaucoup plus basse, à un niveau qu’elle avait à la fin de la dernière période glaciaire (il y a environ 12 000 ans). Donc, pas un climat où une forêt peut pousser. » Fermez le ban.

En revanche, il y a bien eu de petits boisements au niveau de l’estran actuel, voire au-delà. Armel Menez, géologue de la Maison des minéraux, à Crozon (Finistère), confirme que mes photos montrent d’anciennes tourbières : « C’est très courant, toute une partie de la côte française était bordée de marais. » Curieux comme cette banalité du phénomène rend la découverte plus précieuse : c’est qu’elle l’authentifie… Tout comme les autres trésors révélés par les tempêtes de février sur toute la zone Atlantique et que l’on découvre sur les sites d’information sur Internet : les vestiges de la forêt de Borth au Pays de Galles ; d’autres à Porsmilin et Douarnenez (Finistère), et même Fouras, en Charente-Maritime. Sans parler des lieux déjà repérés auparavant, comme la forêt de Quintefeuille, sur la plage de Ver-sur-Mer (Calvados), que signale une autre géologue, Bernadette Tessier, au CNRS de Caen. Ou l’Anse du verger à Cancale (Île-et-Vilaine), que Jean-Yves Cocaign a particulièrement étudiée.

2013.03.27.OF Forêt  antique

Les vestiges de la forêt de Borth, dévoilés au Pays de Galles.

« Un sol à fruits »

« Vous avez vraiment fait une belle découverte ! », sourit l’ethnologue, penché sur le sable, en me tendant… un gland ! Venu volontiers analyser mes trouvailles, il vient d’extraire le fruit, tout léger, vidé de sa substance, d’une de ces masses tourbeuses qui affleurent, larges parfois d’un mètre. A côté, on trouve aussi deux noisettes, prises dans la nasse fibreuse. « C’est bien un sol à fruits. Et d’ailleurs, regardez, là, ce sont bien des feuilles compressées. » Le morceau noirâtre qu’il vient d’extraire doucement se casse soudain. Révélant en son cœur, aplatie comme dans un herbier, une feuille encore verte ! De quoi frémir…

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 Une feuille d’arbre conservée sous le sable.

Comment tout cela est-il arrivé là ? Il s’agit d’un marais maritime qui s’est végétalisé probablement à la fin de l’Âge de bronze, explique l’ethnologue. « La mer était 4 à 6 mètres plus bas, il y a 3 000 ans… il devait y avoir un cordon dunaire qui a été rompu, par exemple par cette petite rivière, dit-il en montrant la Saigue, minuscule fleuve côtier qui s’écoule tout près. La mer s’est introduite côté terre, et pour X raison, le cordon dunaire s’est reformé. La mare est devenue saumâtre, le sel s’est évaporé, et des espèces de végétation terres­tre ont pu s’y développer, y compris des noisetiers ou des chênes. »

Des chênes ? Mais il y en a un, en haut de la grève, sur le sable sec ! Un énorme tronçon, d’un mè­tre cinquante au moins de diamètre, tout spongieux quand on le touche.

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Difficile de penser que ce gros tronçon de chêne a passé autour de trois millénaires à l’abri sous le sable de la plage du Fourneau, à Granville (Manche). C’est pourtant l’avis de Jean-Yves Cocaign, spécialiste de la Baie. 

J’imaginais jusqu’ici qu’il avait dérivé sur la mer…

« Je ne serais pas surpris, avance Jean-Yves Cocaign avec un condi­tionnel tout scientifique, que ce chêne fasse partie de ce boisement dont on voit la trace plus bas … » Ajoutant : « Et avec toutes ces souches, ces bois qui affleurent, je n’ai même aucun doute. Ce qui est extraordinaire ici, c’est que rien n’avait été signalé auparavant, et que l’âge de ce chêne – dont la circonférence montre qu’il avait vécu, au moins 200 ans – , laisse à penser que le mi­lieu boisé est resté stable pendant très longtemps. »

II reste un mystère à lever : l’âge exact de cet ensemble. Et une ur­gence pour les curieux : aller voir (sans rien prendre !) parce que les marées sereines de la semaine der­nière ont déjà recouvert une partie du trésor. L’ôtant aux regards, mais le préservant du temps, aussi.

Isabelle BORDES (avec la rédaction de Granville)

Volcanisme et climat

 

    Pause du réchauffement climatique :         un hiver volcanique?

Guillaume Jacquemont, journaliste à « Pour la Science ».
Mars 2014

 

Une série de petites éruptions volcaniques au cours des 15 dernières années expliquerait en partie le ralentissement du réchauffement climatique constaté sur cette période.

Le volcan Eyjafjöll, en Islande, est entré en éruption en 2010. De tels événements projettent dans l’atmosphère des poussières qui réfléchissent la lumière du Soleil vers l’espace et peuvent avoir un effet refroidissant sur le climat.

Le réchauffement climatique est estimé à environ 0,26 °C par décennie sur la période 1984-1998 et à seulement 0,04 °C par décennie sur la période 1998-2012. Pourquoi ce ralentissement ? Une étude menée par Benjamin Santer, du laboratoire Lawrence Livermore, en Californie, et ses collègues, met en lumière le rôle du volcanisme.

Lors des éruptions, les volcans projettent dans l’atmosphère une grande quantité de particules, qui réfléchissent une partie de la lumière du Soleil vers l’espace et peuvent ainsi refroidir le climat. Aucune éruption volcanique majeure n’a eu lieu depuis celle du Pinatubo en 1991, mais quelque 17 éruptions relativement petites se sont produites depuis 1999. Leur effet cumulé pourrait-il être significatif ?

Les chercheurs ont intégré dans les modèles climatiques des estimations des quantités de poussières volcaniques envoyées dans l’atmosphère par ces éruptions, estimations déduites d’observations satellitaires. Ils ont ensuite comparé les simulations pour la période 1998-2012 à des mesures de températures effectuées par satellites. Sans les éruptions, les modèles surestiment systématiquement le réchauffement sur cette période. Avec celles-ci, les températures sont bien plus proches de la réalité – l’erreur est jusqu’à 15 pour cent inférieure.

Les éruptions auraient donc eu un effet refroidissant qui aurait participé au ralentissement du réchauffement. Ce ralentissement serait aussi dû à une conjonction de divers autres facteurs, tels qu’une période de moindre activité solaire ou des variations dans les courants océaniques.

 

Pour en savoir plus :

B. Santer et al.Volcanic contribution to decadal changes in tropospheric températureNature Géoscience